Profondeur des sexes, La - Pour une mystique de la chair
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Profondeur des sexes, La - Pour une mystique de la chair

Code de produit : 960106

Auteur: Fabrice Hadjadj / Éditeur: Seuil / 320 pages

A travers la littérature, la philosophie et les textes sacrés, F. Hadjadj montre en quoi la sexualité dépasse l'homme et tente de saisir son mystère ultime. Avec une grande liberté de ton, il répond aux pensées moralisatrices et réductrices qui excluent le corps et la sexualité de la spiritualité chrétienne.

Qu'est-ce que c'est que ces sexes que nous croyons si bien connaître ? Les uns s'inquiètent de leur longueur et les poussent à la performance ; les autres rappellent leur différence et en redoutent la confusion. Mais n'y a-t-il pas lieu, par-delà leur réduction biologique ou leur psychologique évanescence, de les considérer dans leur profondeur ? Et si des voies impénétrables s'ouvraient sous nos ceintures ? Si nos bas-ventres dissimulaient une ruse du Très-Haut ?

Contre tout dualisme, c'est-à-dire aussi contre ce projet technicien qui ramène l'homme à un matériau, ce livre voudrait reconnaître l'esprit qui se donne à même la chair. Son itinéraire à travers la littérature, la philosophie et les textes sacrés nous invite à plonger dans des profondeurs sexuelles successives - celle du corps, du couple, de l'enfant, de la Cité, enfin celle d'un possible Ciel, d'après la foi juive et chrétienne en la résurrection.

Chapitre1 - De nos jours, on a tendance à considérer la procréation comme un luxe ou un accident. Puisqu’il n’y a plus de transcendance au-dessus de leur tête, hommes et femmes n’ont plus qu’à « s’éclater » sans tabous. D’éminents psychologues, pour qui les sexes ne sont que de simples accessoires du plaisir immédiat, prônent un érotisme « soft ». L’amour, ainsi dédramatisé, ne serait plus qu’une simple affaire de corps et de technique, et non d’âme. Pour Fabrice Hadjadj (FH), l’homme aujourd’hui ne cherche plus à faire la volonté de Dieu, estimant que sa propre volonté est divine. Mais le sexe sans incarnation ne pouvant se vivre que comme une déchirure, l’hédonisme débouche nécessairement sur le néant.
Chapitre 2 - Même si homme et femme ont du corps des images radicalement différentes (conquête pour lui, accueil pour elle), FH fait sienne l’idée, avancée déjà par Saint-Thomas d’Aquin, que la relation purement physique est aussi vraiment spirituelle, tant il est vrai que « la chair a beaucoup d’esprit », et qu’il y a toujours une joie spirituelle dans nos plaisirs sensibles. N’en déplaise aux tenants d’une vision purement mécaniste des relations amoureuses, il ose la question : Et si les sexes étaient avant tout une sublimation du divin, et non le divin une sublimation des sexes? L’homme de Cro-Magnon déjà devait bien pressentir l’existence d’une promesse de salut, à même de répondre à son inquiétude.
Chapitre 3 - La tradition a toujours présenté le mariage sous deux aspects : à la fois tragique et comique. Les différentes formes d’amour (passion, raison, confort etc.) ont toutes leurs limites. Etant faits de cœur, certes, mais également de chair, nous devons les accepter. Le véritable amour conjugal suppose qu’on ait cette sagesse, et qu’on fasse un véritable acte de foi. Car heureusement, il y a la grâce. Après tout, dans la généalogie du Christ, ce sont 42 générations marquées par toutes sortes de turpitudes qui aboutissent à.... Joseph et Marie. Notre misère, qui débouche sur Noël, peut donc devenir une miséricorde.
Chapitre 4 - La naissance d’un enfant est un moment de pure extase pour ses géniteurs. Dans son innocence, le bébé libère en eux ce qu’il y a de plus surnaturel. En véritable maître spirituel, il transforme ses parents, qui doivent lui apporter pain et jeux, certes, mais aussi lui inculquer le sens de la vie. Car élever un enfant, avec toutes les difficultés que cela comporte, c’est d’abord ne pas l’abaisser. La société actuelle a un grand besoin d’avenir ; qui mieux qu’un enfant peut porter une lumière dans la nuit ? La contraception, c’est donc le refus d’une possible rédemption. Et l’avortement, qui fait d’un sanctuaire une chambre funéraire, un absolu contresens.
Chapitre 5 - Les penseurs modernes, qui voient dans le mariage une simple union de circonstance résiliable à tout moment, ont tendance à nier la famille, et à ne considérer que des citoyens isolés (des « dividus »), donc libres. Soi-disant, car l’homme sans attaches se trouve livré à toutes les manipulations, et devient la victime idéale des trois « rois » modernes que sont la rentabilité, la technique et le spectacle. Or pour FH, le mariage est plus qu’un contrat, un enfant plus qu’un numéro : un être entièrement neuf, ouvert à tous les devenirs. Devant l’idéologie désincarnée à la mode, qui suppose des individus programmables et qui débouche inévitablement sur la névrose, il convient de « prendre le maquis en prenant femme ».

Chapitre 6 – Pour FH, c’est suite à une interprétation fausse du mot « chair » pour signifier l’humain que le christianisme, opposant « chair » à « esprit », a longtemps eu tendance à mépriser le corps. Or, c’est l’origine sexuelle des hommes qui les relie, les rend solidaires. Et symboliquement, l’Eucharistie est d’abord étreinte charnelle. L’union d’un homme et d’une femme n’est donc rien moins qu’un sacrement : l’actualisation sur terre des noces de Dieu et de l’ensemble des hommes. Les paroles d’acceptation de Marie miséricordieuse – adjectif auquel André Chouraqui préfère le néologisme évocateur « matriciante » - récapitulent toute l’histoire du salut : « Fiat mihi secundum Verbun tuum ».
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Sur le plan de la forme, il faut louer le fait que l’auteur ait subdivisé le texte en sous-chapitres courts (5 pages en moyenne), ce qui donne au lecteur le temps de « digérer » un contenu souvent dense. Les références littéraires sont très nombreuses : dans le corps du texte au Nouveau et à l’Ancien Testaments, en bas de pages aux auteurs grecs et latins, aux philosophes des Lumières, et aux penseurs contemporains. Pour le seul chapitre deux, on compte, cités dans 75 notes, 37 auteurs différents : d’Aristote, Platon et Aristophane à Claudel, Nietzsche et Hegel en passant par Shakespeare et Montaigne, entre autres...
Concernant le style, on relèvera :
- quelques plaisants néologismes, comme « la monotonogamie »,
- des trouvailles sur le plan lexical : « l’ère du prêt-à-porter et du prêt-à-jouir »,
- d’étonnantes périphrases : « cet alambic à prodiges » en parlant de la femme qui procrée,
- des citations détournées : « Coiverunt, ergo sum = ils se sont étreints, donc je suis »,
- des formules amusantes : « Peut-être y aurait-il plus objective extase à faire ensemble des mots croisés »,
- un humour décapant. Par exemple à propos de notre ancêtre des cavernes : « Pour ce qui est de sa sexualité, certains profitent qu’il ne puisse pas porter plainte pour prétendre qu’il traînait sa femme par les cheveux ou culbutait la première qui buvait au ruisseau. C’est de la diffamation »,
- de nombreuses figures de style : « L’homme numérique, sans religion ni tradition, ne peut plus se reposer sous l’arbre d’une généalogie, ni s’agripper à l’échelle d’une transcendance »,
- des passages d’un niveau de langue très élevé, comme : « Sans la foi en cette Providence obscure, l’espèce humaine n’est plus qu’un instantané aux contours flous, saisi sur une évolution aléatoire, rescapé intérimaire de l’âpre lutte pour la vie ».
La forme, on le voit, ne le cède en rien au fond. « La Profondeur des Sexes » est une profonde réflexion sur l’Homme, un ouvrage tout à fait majeur : très littéraire sans être jamais pédant, très riche sans être jamais indigeste, très spirituel sans être jamais scabreux. Un chef-d’œuvre donc, à lire ab-so-lu-ment.
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